Carnet du Capitaine Kriner, commandant le 1er BM, page 213 à 217.
Aux premières heures du 29 mai, il fût décidé qu'avec les fantassins du 4e R.I. ils défendraient un point d'appui constitué dans l'orphelinat d'Haubourdin, sous les ordres du Capitaine Commandant le 1er Bataillon de Mitrailleurs.
On distribua aux hommes des armes automatiques trouvées dans la ville. On entassa dans l'orphelinat le plus de munition possible. On aménagea des créneaux dans les murs, on dégagea les champs de tir, on abattit les murailles qui gênaient, on reconnut les chemins de repli dans les jardins de l'établissement.
Une corvée partit à la recherche de quelque ravitaillement. Elle ne trouva rien. Dans les caves de l'orphelinat, on finit par découvrir quelques œufs de conserve et quelques pommes de terre. Il n'y avait pas de quoi faire ripailles, certes, au moins les mitrailleurs pourraient tromper leur faim.
On installa un poste de secours à la cave. Les matelas qui n'avaient pas été placés aux fenêtres serviraient pour les blessés.
A 11 heures, le point d'appui était prêt. Son armement comprenait : au rez-de-chaussée de l'orphelinat, un fusil-mitrailleur ; à chacun des deux étages : une mitrailleuse et un F.M. avec des mousquetons et une quantité assez grande de grenades défensives.
Derrière le bâtiment avait été placé un mortier de 81. Un canon de 47 prenait en enfilade la rue qui menait à l'orphelinat.
Des fantassins du 4e R.I. couvraient le point d'appui et avec des F.M. tenaient le cimetière.
A l'angle gauche supérieur du bâtiment, un très bon point d'observation permettait de surveiller efficacement tous les mouvements de l'ennemi.
Les munitions étaient nombreuses, les champs de tir larges et étendus.
Les mitrailleurs étaient résolus à soutenir le siège du point d'appui dans lequel ils s'étaient enfermés et à le défendre jusqu'à la mort.
Les deux artilleries étaient bientôt entrées en action. L'artillerie allemande s'acharnait tout particulièrement sur l'église d'Haubourdin.
Vers 13 heures, des éléments épars de l'infanterie ennemie essayèrent de s'infiltrer dans la direction d'une usine à ciment à proximité du point d'appui. Mais ils ont été vus par les guetteurs qui, au poste d'observation, montent une garde vigilante et nos mitrailleurs arrêtent l'élan des patrouilles.
L'ennemi paraît ne pas vouloir insister.
Pourtant vers 17 heures, il prononce une attaque plus importante.
Les deux mitrailleuses du point d'appui ouvrent le feu et, de toute évidence, elles infligent des pertes à l'adversaire.
Le détachement d'attaque se sépare en deux groupes. L'un descend dans une carrière et disparaît derrière une briqueterie. Mais des mortiers le prennent aussitôt à parti.
L'autre, moins important, se disperse vers la droite, mais il est décimé par nos armes automatiques. De notre côté, un seul blessé.
Notre artillerie envoie de nombreuses salves d'obus fusants.
Pendant tout ce temps, l'artillerie allemande pilonne sans arrêt la ville d'Haubourdin et, abandonnant maintenant l'église, les obus tombent nombreux autour de la cheminée de l'usine à ciment.
Jusqu'à présent, l'orphelinat n'avait pas été dans les objectifs des pièces allemandes.
Dans le courant de l'après-midi, un sous-officier et les survivants d'une quarantaine de mitrailleurs qui avaient réussi à quitter Seclin sur l'ordre de leur commandant d'unité, étaient parvenus, après des efforts inouïs et en affrontant les plus graves dangers, jusqu'à Haubourdin.
L'espoir de voir arriver le reste du Bataillon renaissait. Mais le rêve un instant ébauché ne devait pas se réaliser.
Vers 20 heures, des brancardiers allemands, munis de drapeaux blancs se mirent à parcourir le champ de bataille pour y relever leurs blessés.
Les mitrailleurs cessèrent le feu immédiatement.
Au poste de secours du Bataillon étaient amenés quelques blessés d'unités voisines atteints, dans la journée, par des balles ou des éclats d'obus, dans les environs de l'orphelinat et vers le cimetière.
Lorsque le soir tombe définitivement, ce fût l'accalmie pour l'infanterie. Par contre, le duel d'artillerie continua sans interruption.
Les défenseurs du point d'appui de l'orphelinat restaient au créneau de tir. De l'observatoire, les guetteurs fouillaient sans relâche l'obscurité, attentifs aux moindres bruits, aux moindres jets de lumière.
Mais, en dehors du fracas des obus qui éclataient, tout était calme. Dans le lointain, un peu partout, on apercevait la lueur sinistre des incendies.
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Carnet du Capitaine Kriner, commandant le 1er BM, page 213 à 217.